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08/08/2013

Chronique de l'impunité : au Chili, non-lieu pour les propriétaires de la mine de la catastrophe de 2010

Au pays du président Piñera ("le Berlusconi chilien"), laisser une mine crouler sur les mineurs n'est pas passible des tribunaux :

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12 octobre 2010 : l'extraordinaire "résurrection" des 33 mineurs de Copiapo.

  


Vous vous souvenez de l'épopée des mineurs de Copiapo, à l'automne 2010 ? Je vous remets l'affaire en mémoire, avec cette note d'alors dans ma chronique du Spectacle du Monde :

 

<< NUIT DU 12 OCTOBRE, MINE DE SAN JOSE DE COPIAPO (CHILI) - Cela se passe dans le décor martien du désert d'Atacama, planète grise et jaune où ne vit aucune herbe et où chaque montagne est un volcan. Le premier rescapé surgit de la terre. C'est le mineur Florencio Avalos. Trois mille personnes poussent une clameur immense. La foule rugit sa joie : ''Chi-Chi-Chi, le-le-le, mineros de Chile !'' Et tout le monde entonne l'hymne national... ''On ne ferait pas ça chez nous'', dit un cameraman français. Car il y a aussi des centaines d'équipes de télévision, venues du monde entier. Elles bivouaquent ici depuis deux mois, autour de la mine d'or et de cuivre, avec la foule chilienne qui a dressé une ville de tentes baptisée ''camp de l'Espoir''. Cette épopée commence le 22 août, dix-sept jours après l'effondrement des galeries de la mine, quand le Chili apprend que trente-trois mineurs survivent sous 622 mètres de roche. San José est la plus décatie des quatre mille mines du Chili : une fosse centenaire surexploitée et sous-entretenue (il n'y avait même pas d'échelles de secours). ''L'histoire du désert d'Atacama est couronnée de tragédies de la mine'', explique l'écrivain Hernan Rivera Letelier : ''accidents fatals, grèves interminables, marches de la faim, mineurs mitraillés au cours de massacres inconcevables... Un long passif d'injustices sociales et morales, qui, malgré les fleuves de promesses politiques, sont demeurées inaltérables comme les momies du désert.'' Mais, cette fois, c'est le miracle. Pachamama, la vieille déesse souterraine et féroce des Indiens Aymaras, n'a pas mangé les mineurs. Ceux-ci ont survécu. Ils ont même un moral d'acier ; leur sérénité étonne. Dès qu'un contact téléphonique est établi, leur première requête – après dix-huit jours d'angoisse – est pour qu'on leur fasse parvenir... du dentifrice. Ensuite, ils demandent des bibles, des crucifix, des rosaires, que leur enverra Benoît XVI personnellement et qui leur seront descendus par le forage de secours. Ce moral surnaturel se verra par la vidéo, quand on aura pu leur faire parvenir une caméra. Alors les trente-trois deviennent des héros nationaux. Leurs noms deviennent légendaires. Il y a Mario Sepulveda, qui présente les vidéos (avec un humour sidérant). Luis Urzua, le ''capitaine'' du groupe. Mario Gomez, qui a dressé un oratoire dans ces catacombes et fait le relais téléphonique avec la surface. Yonni Barrios, le mineur infirmier, qui n'a pas peur dans le noir, mais qui redoute le jour de la délivrance ''parce que ma femme et ma maîtresse m'attendront là-haut toutes les deux''. Il y a Victor Segovia, qui tient son journal intime, et qui le serrera sur sa poitrine pendant la remontée (dantesque) dans l'étroite capsule-cylindre grillagée, le long du tube vertical haut comme deux fois la tour Eiffel... Quand le mineur Esteban Rojas est extirpé à son tour de la capsule, il tombe à genoux et prie, les bras levés ; sa femme pose sur ses épaules un châle à l'effigie de la Vierge, et s'agenouille avec lui. ''Il était temps que la terre, arrosée si longtemps par le sang des mineurs, réponde en laissant sortir de son ventre les fruits de la vie'', comment Rivera Letelier, lui-même ancien mineur : ''là-bas, on n'a pas travaillé pour chercher de l'or, du pétrole ou des diamants. On cherchait la vie et elle a jailli, trente-trois fois. Aux rires mouillés de larmes de la foule sont venues s'ajouter la joie et l'émotion du monde entier.'' >>

 

La scène du retour des ''trente-trois héros'' fut donc extraordinaire. À ceci près : le président Piñera était là, paradant comme une allégorie de la droite-fière-de-ses-valeurs. Il promettait « des sanctions exemplaires contre les responsables de la catastrophe » : les deux propriétaires de la mine, Alejandro Bohn et Marcelo Kemeny, dont l'incurie avait laissé les galeries se dégrader au point de s'effondrer sur les mineurs. (Après quoi les propriétaires renoncèrent à exploiter la mine)... Les trente-trois portèrent plainte contre leurs deux patrons.

Deux ans et neuf mois plus tard, MM. Bohn et Kemeny viennent de bénéficier d'un non-lieu : « il n'y a pas d'éléments pour soutenir une quelconque accusation », déclare le ministère chilien de la Justice.

« Un long passif d'injustices sociales et morales, qui, malgré les fleuves de promesses politiques, demeurent inaltérables comme les momies du désert... »

 

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Piñera, le "Berlusconi chilien".

  

 

20:25 Publié dans Idées, Planète chrétienne, Social | Lien permanent | Tags : chili, mineurs